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Mutualisations communautaires, les infortunes de la vertu

En concentrant un très grand nombre de compétences sur l’échelon intercommunal, la loi NOTRe a mis en œuvre le postulat selon lequel la mutualisation entre communes est un gage d’efficacité économique et de réduction de la dépense publique. Notre gouvernance communautaire actuelle a ajouté à ce postulat un pari complémentaire, qui fait du mode d’exploitation d’un service public en régie la seule option politiquement acceptable. Je ne suis ennemi d’aucune de ces deux idées : tant mieux s’il est plus efficace de faire à plusieurs que tout seul, et tant mieux aussi si la collectivité sait prendre ses responsabilités et les affirmer au lieu de se défausser par facilité ou par complaisance vers des délégations de service publiques sur tous les sujets.

S’il est évident qu’en matière de volonté publique, la portée symbolique de ce type de choix est forte, il n’en résulte pas toujours que l’organisation des services qui en résulte soit rationnelle ou économique. Sans doute pour avoir trop pensé que la posture politique de la mutualisation communautaire se suffisait à elle-même, notre intercommunalité fait l’expérience parfois douloureuse de la résistance de la réalité. J’ai déjà évoqué dans ce registre, la mutualisation du tourisme qui aboutit à la création d’un organisme dont on a franchement le sentiment qu’il rend beaucoup moins de services que les structures qu’il a remplacées mais pour beaucoup plus cher.

A l’occasion des débats budgétaires de cette année, c’est un autre domaine qui fait parler de lui, en l’occurrence celui des déchets : il est en effet question, du fait de la conjonction de facteurs liés à la réglementation et au marché, que notre intercommunalité revoie à la hausse la TEOM, c’est-à-dire la taxe qui sert à équilibrer le budget de collecte et de traitements des déchets.

Quels sont ces facteurs ? En ce qui concerne les ordures ménagères résiduelles, les tonnages ont été stabilisés, notamment du fait de meilleures performances du tri ; mais la fermeture du site du Balançan a conduit depuis l’été dernier à une augmentation des coûts de transport et de traitements de plus de 187 000 €,puisqu’il a fallu aller faire traiter nos déchets successivement à l’incinérateur d’Antibes, puis dans une décharge des Bouches duRhône. Depuis le début de l’année 2019, nos déchets vont beaucoup moins loin puisque c’est la rehausse du site 3 de Bagnols en Forêt qui les accueille. Mais hélas, l’économie de transport et de traitement est avalée par la hausse de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) dont le taux est révisé à la hausse chaque année par l’État pour limiter les recours à l’enfouissement. Et comme décidément, l’enfer est pavé des meilleures intentions, le progrès de nos performances de tri entraine de regrettables inconvénients, avec un surcoût lié d’abord au progrès de la collecte sélective (+9%), lié surtout à l’explosion des tonnages déposées en déchetterie (+36 % !),hausse qui n’est pas compensée à hauteur par le soutien des aides et des organismes de recyclages, tout simplement parce que l’augmentation de l’offre de matériaux à recycler se traduit mécaniquement par une diminution de la demande et donc du fruit de la revente.

Il n’y a pas lieu pour autant de remettre en cause le remarquable travail accompli par le service concerné sous la houlette de Michel Tosan. J’assume avec lui notre travail commun et de longue date pour nous émanciper du tout-enfouissement et du recours à un opérateur monopolistique, travail qui passe paradoxalement par ce rebond ponctuel de taxation, mais il nous faut en tirer deux enseignements :

Le premier enseignement est pédagogique : il serait catastrophique que le résultat de cette situation soit que les progrès des consciences et des comportements soit ralenti et que chacun finisse par se dire que puisqu’il faut payer plus en amenant ses déchets verts, il est plus simple de les brûler.Je suis le premier à dire chaque année lors des vœux de ma commune : « plus vous trierez, moins vous paierez ».Il se trouve que les choses sont un peu plus compliquées que cela, et que cet exercice 2019 est l’exception qui confirme la règle.

Le second enseignement est politique : pour le tourisme, comme pour les déchets, nous avons considéré un peu vite que la mutualisation était une fin en soi qui ne pouvait par principe apporter que des bienfaits, et nous avons eu tendance à balayer d’un revers de main toute considération d’incidence sur le prix et le coût de ces services, au nom de l’affichage idéologique. Au regard des petites déconvenues que nous connaissons sur ces questions de taxation, il est urgent d’y réfléchir à deux fois avant de se précipiter comme certains le voudraient pour transférer la compétence de l’eau et de l’assainissement dès 2020, au nom du même emballement intégrateur, sans s’être posé au préalable, une question qui devrait être notre premier critère de décision : quel sera l’incidence d’une telle mutualisation sur le coût du service public pour l’usager ? Avant qu’il n’arrive au prix de l’eau ce qui est arrivé hier à la taxe de séjour et ce qui arrive aujourd’hui à la TEOM, cette question cruciale prend tout son sens. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’une très grande proportion de maires en appelle aujourd’hui à une désaccélération sur les transferts obligatoires de compétences. On a eu beau jeu deles traiter de rétrogrades : il se trouve peut-être aussi tout bêtement qu’ils sont ceux qui s’aperçoivent des impacts de la démarche sur les impôts et taxes acquittés par leurs concitoyens.