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Mois : avril 2024

Fontsante : à n’y plus rien comprendre

Il reste encore un peu d’actualité au dossier Fontsante, mais cette actualité est devenue très unilatérale, puisque la commune de Callian n’y prend plus aucune part depuis qu’elle a annoncé qu’elle mettrait un terme à la promesse de bail consentie pour le projet.

De son côté, et malgré cela, le lauréat de l’appel à projet initial, un groupement principalement composé par SUEZ, entend aller jusqu’au bout de l’instruction par les services de l’Etat de la seconde version de son projet ValorPole. Il semble que ces services aient accordé un délai de six mois au porteur de projet pour compléter son dossier. C’est évidemment parce que cette instruction tarde à se conclure que les opposants au projet s’inquiètent et renouent avec l’action militante, en vue de peser sur son dénouement. On ne sait trop si chacun se souvient que même si le résultat de l’instruction devait se révéler positif, c’est le propriétaire foncier, c’est-à-dire la commune de Callian, qui aura le dernier mot, et qu’elle a déjà acté le dénouement qu’elle donnera au dossier en pareil cas. Alors pourquoi en est-il encore question ? Parce qu’il y a du double jeu qui trouble le tableau.

En effet, du côté notamment de certaines communes avoisinantes, ceux qui ont lutté publiquement contre le projet en 2020 pour surfer sur son impopularité, et ceux qui cherchent aujourd’hui à le sauver des eaux sont parfois (voire souvent) les mêmes. C’est que, conscients malgré tout de la nécessité qu’un tel projet aurait pu revêtir, ceux-là poussent l’indécence jusqu’à continuer à s’opposer publiquement au projet tout en souhaitant en privé le voir aboutir. Ou bien, comme le résume à merveille une certaine collectivité : « on est techniquement pour et politiquement contre ». Nombreux sont aujourd’hui ceux qui prient en sourdine pour que le projet aboutisse en dépit d’eux-mêmes. C’est ce double jeu qui fait craindre aux vrais opposants, ceux qui ont été contre depuis le début, que des revirements soient encore possibles. Tour cela ne contribue pas à donner des politiques une image bien reluisante. Ou bien ce projet était nécessaire, et il fallait avoir le courage de le dire en temps utile. Ou bien il ne l’était pas, et rien ne sert de continuer à faire peur.

Mais pendant ce temps, le spectacle continue…

Hausse de la fiscalité communautaire : une facilité coupable ?

Lors de la dernière séance du conseil communautaire, l’exécutif a proposé une hausse du taux de foncier bâti de 2,18 % à 2,53 %. Cette hausse a été adoptée à la majorité, des voix s’étant exprimées contre, dont celles de la commune de Callian. A vrai dire, on se demande même comment une communauté, qui n’est pas une collectivité parce que son président n’est pas issu du suffrage universel, peut avoir le droit de lever l’impôt.

En tous cas, on ne peut que regretter une telle mesure dans un contexte d’inflation durable, même s’il faut reconnaître que cette inflation impacte évidemment aussi la communauté elle-même. Le nombre de familles que la conjoncture a mis en difficulté me semble avoir été sous-estimé dans la discussion préalable. Je passe sur l’argument qui m’a été opposé, typique d’une certaine gauche radicale malheureusement sur-représentée dans nos instances locales : le niveau socio-économique du pays de Fayence est plus élevé que la moyenne, donc « les gens peuvent bien payer ». Quand bien même les ménages en difficulté seraient un peu moins nombreux qu’ailleurs, cela ne saurait justifier qu’on augmente la pression fiscale qui s’exerce sur eux.

On ne peut que regretter aussi la présentation qui en a été faite, comme si le choix ne pouvait se faire qu’entre augmenter les impôts ou augmenter l’endettement. Il y avait une troisième solution, qui aurait consisté à réfléchir à diminuer les dépenses. Ne pas explorer cette voie est une solution de facilité. Est-il raisonnable de continuer à empiler les compétences facultatives et optionnelles, à l’heure où le retour sur le socle des compétences obligatoires est la tendance nationale ? Est-il souhaitable pour notre communauté de dépasser la barre des 200 (!) fonctionnaires territoriaux alors même que le nombre d’emplois publics ayant disparu toutes communes membres cumulées est certainement inférieur au dixième de ce nombre ? Est-il raisonnable enfin de continuer à abonder le budget de l’office du tourisme intercommunal, déjà largement empli de cette ressource affectée qu’est le produit de la taxe de séjour, à hauteur d’une subvention de plus de 300 000 euros ?

Enfin, le risque existe que cette hausse se cumule avec une éventuelle hausse des impôts nationaux, actuellement en débat au sein de la majorité présidentielle. Si la question se pose, c’est qu’il faut évidemment amortir le coût des mesures qui nous ont protégés des grandes crises passées ou en cours : le COVID et le « quoi qu’il en coûte », mais aussi la crise de l’inflation et ses boucliers, ainsi que la guerre en Ukraine. La piste évoquée est celle d’une contribution acquittée par l’ensemble des habitants, ce qui ressemble furieusement à la défunte taxe d’habitation. Valait-il la peine de supprimer cette taxe d’habitation si c’est pour se poser la question six ans plus tard de recréer un impôt résidentiel ?

La bureaucratie : un mal français qui est aussi un mal local

Le constat de la lourdeur et de la lenteur des administrations dans notre pays n’a rien de nouveau. Certes, l’état de droit a ses exigences. Mais jusqu’où peut-on accepter que la contrepartie des droits et des prestations du modèle social français soit un tel contrôle exercé par notre Etat redistributeur ? Cette défiance vis-à-vis du citoyen est largement l’héritage du tournant jacobin des années révolutionnaires. Centralisateur, égalitariste, notre Etat s’est ingénié à vouloir appliquer partout les mêmes règles, jusqu’au moment où les moyens de le faire ont commencé à lui manquer : c’est l’arrivée de la décentralisation il y a quarante ans, qui n’a en rien amenuisé les dispositions de l’Etat jacobin. Et il n’y a pas lieu d’en blâmer les uns plutôt que les autres. Comme le disait Hannah Arendt, « la domination à travers l’anonymat de la bureaucratie n’est pas moins despotique du fait que « personne » ne l’exerce ; au contraire, elle est encore plus effroyable ». Si nous n’étions tous plus ou moins persuadés que chaque « choc de la simplification » ne génère finalement que des complications supplémentaires, il y aurait de quoi se réjouir des réformes prévues sur ce point par le ministre de l’Economie et des Finances, avec notamment la suppression des fameux Cerfa.

Or le temps presse.

D’abord, parce que l’exaspération citoyenne monte. Quand il faut remplir trois formulaires pour installer une clôture, il se trouve de moins en moins de monde pour demander l’autorisation, et ceux qui la demandent ne comprennent pas pourquoi on n’empêche pas ceux qui font les choses sans rien dire de les faire. De là à conclure que rien de ce qui vient d’en haut n’est cohérent ni crédible, il n’y a plus qu’un petit pas, vite franchi. L’image de l’état de droit et de la République s’en trouvent considérablement altérée.

Le temps presse ensuite pour des raisons touchant à l’efficacité de l’action publique. La pulsion technocratique centralisatrice n’a voulu réformer le monde institutionnel qu’en créant des entités de plus en plus grandes, selon le culte du « big is beautiful » : des régions agrandies, des intercommunalités XXL, qui ne peuvent être pilotées que par des experts chevronnés. De même, la réglementation en général et les réformes en particulier ont atteint un point de complexité technique qui fait qu’à peu près plus personne ne peut les comprendre. Nous avons donc besoin d’élus experts, ce qu’ils ne sont pas souvent, ou, à défaut, d’experts comme intermédiaires, rôles que jouent les directeurs des collectivités et des EPCI. Se crée ainsi, à chacun de ces échelons, une petite technocratie interne qui ne tarde pas à dominer de la tête et des épaules des élus qui ne comprennent plus leur jargon. Ce devrait être au politique de parler la langue du citoyen : à défaut, les citoyens et leurs représentants passent entre les mains des experts.

Jusque chez nous, il devient chaque jour plus évident que la construction et la structuration de cette technocratie sont au cœur du projet communautaire lui-même. Il ne s’agit pas en l’espèce de blâmer les fonctionnaires ainsi investis du pouvoir : ils font leur travail, et ce n’est pas leur faute si la place leur est laissée libre par ceux qui devraient l’occuper. Mais le résultat de ces habitudes qui s’enhardissent est là. On en veut pour exemple la gestion des épisodes dits de turbidité de l’eau. En effet, là où on pourrait penser que le président concerte les autres maires pour qu’ensemble ils prennent ou non la décision de publier que l’eau est réputée non potable et de distribuer des bouteilles, les choses ne se passent pas ainsi. Directement, et passant par-dessus les maires, l’administration communautaire considère que la mesure qu’elle fait de la turbidité vaut décision politique, et communique par voie de SMS en s’adressant directement aux administrés, sans demander aux communes ce qu’elles en pensent. C’est bien dommage : on s’apercevrait peut-être en raisonnant différemment qu’à force de sonner l’alerte à chaque goutte de pluie, plus personne bientôt ne tiendra compte des alertes, ce qui va exactement à l’encontre de l’objectif recherché.

Une guerre picrocholine

Les grands problèmes ont souvent de petites origines. En l’occurrence, il semble que ce soit un désaccord anecdotique sur le nouveau nom de l’intercommunalité de Fréjus et Saint Raphaël, la CAVEM (communauté d’agglomération Var Esterel Méditerrannée) devenue ECAA (Esterel Côte d’Azur Agglomération), qui ait fait démarrer la boule de neige. Ainsi voilà notre communauté de communes fâchée avec la communauté d’agglomération voisine. Au passage, nos collaborations dans le domaine du tourisme puis de la culture ont fait les frais de son passage. Petite cause, grands effets, puisqu’à présent, c’est sur les questions de gestion de l’eau et des déchets que le conflit menace.

C’est ce dernier point qui fait l’actualité, puisque la communauté a décidé à la majorité de demander, pour la troisième fois, son retrait du SMIDDEV, le syndicat mixte du développement durable de l’Est Var, qui est l’organe par lequel nos voisins littoraux traitent leurs déchets. Seule la commune de Bagnols-en-Forêt en était membre à vrai dire, mais ce problème concerne désormais notre communauté parce que c’est elle qui siège au SMIDDEV pour représenter Bagnols depuis qu’elle a repris la compétence des déchets.

Au-delà de l’escalade de la susceptibilité territoriale, dont les coups de menton de cour d’école peuvent prêter à sourire, ce conflit a pour racine profonde une divergence de méthode. ECAA a choisi, pour valoriser ses déchets et n’en enfouir que la part dite ultime, la méthode classique de l’usine de tri à laquelle, pour envenimer encore les choses, notre communauté avait en son temps promis de s’agréger. Or depuis, cette même CCPF a choisi de son côté une autre méthode de réduction des déchets ultimes, celle de la redevance incitative. C’est une voie ambitieuse qui mérite, pour le coup, d’être considérée avec plus de respect que ne lui en vouent certains des défenseurs de l’usine de tri. Dans le même temps, cette voie ne justifie pas non plus les leçons de vertu que certains de ses défenseurs brandissent, dans des élans qui font parfois penser à Robespierre ou à Saint-Just. En réalité le tri après collecte et l’incitation au tri poursuivent le même objectif, et ces deux méthodes pourraient aussi très bien s’ajouter l’une à l’autre.

Toujours sur sa lancée de patriotisme territorial et de fuite en avant, la majorité communautaire commence à s’entraîner à un refrain qui pourrait peut-être constituer la petite musique de fond de la campagne de tel ou tel de ses animateurs dans deux ans. Après la peur pour l’eau (« on va perdre la Siagnole » ; « Suez va polluer le lac »), voici venir la peur du grand méchant loup du littoral : « Fréjus et Saint-Raphaël veulent nous absorber », ce qui permettra de faire passer les maires qui ne partagent pas la position communautaire pour les chevaux de Troie de l’ennemi… Or, il est parfaitement possible de défendre le périmètre communautaire actuel, qui est très pertinent comme il est, sans pour autant renoncer à l’idée de relations pacifiques et fructueuses avec nos voisins, comme celles que nous avons par exemple aujourd’hui avec l’intercommunalité cannoise.