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Une guerre picrocholine

Les grands problèmes ont souvent de petites origines. En l’occurrence, il semble que ce soit un désaccord anecdotique sur le nouveau nom de l’intercommunalité de Fréjus et Saint Raphaël, la CAVEM (communauté d’agglomération Var Esterel Méditerrannée) devenue ECAA (Esterel Côte d’Azur Agglomération), qui ait fait démarrer la boule de neige. Ainsi voilà notre communauté de communes fâchée avec la communauté d’agglomération voisine. Au passage, nos collaborations dans le domaine du tourisme puis de la culture ont fait les frais de son passage. Petite cause, grands effets, puisqu’à présent, c’est sur les questions de gestion de l’eau et des déchets que le conflit menace.

C’est ce dernier point qui fait l’actualité, puisque la communauté a décidé à la majorité de demander, pour la troisième fois, son retrait du SMIDDEV, le syndicat mixte du développement durable de l’Est Var, qui est l’organe par lequel nos voisins littoraux traitent leurs déchets. Seule la commune de Bagnols-en-Forêt en était membre à vrai dire, mais ce problème concerne désormais notre communauté parce que c’est elle qui siège au SMIDDEV pour représenter Bagnols depuis qu’elle a repris la compétence des déchets.

Au-delà de l’escalade de la susceptibilité territoriale, dont les coups de menton de cour d’école peuvent prêter à sourire, ce conflit a pour racine profonde une divergence de méthode. ECAA a choisi, pour valoriser ses déchets et n’en enfouir que la part dite ultime, la méthode classique de l’usine de tri à laquelle, pour envenimer encore les choses, notre communauté avait en son temps promis de s’agréger. Or depuis, cette même CCPF a choisi de son côté une autre méthode de réduction des déchets ultimes, celle de la redevance incitative. C’est une voie ambitieuse qui mérite, pour le coup, d’être considérée avec plus de respect que ne lui en vouent certains des défenseurs de l’usine de tri. Dans le même temps, cette voie ne justifie pas non plus les leçons de vertu que certains de ses défenseurs brandissent, dans des élans qui font parfois penser à Robespierre ou à Saint-Just. En réalité le tri après collecte et l’incitation au tri poursuivent le même objectif, et ces deux méthodes pourraient aussi très bien s’ajouter l’une à l’autre.

Toujours sur sa lancée de patriotisme territorial et de fuite en avant, la majorité communautaire commence à s’entraîner à un refrain qui pourrait peut-être constituer la petite musique de fond de la campagne de tel ou tel de ses animateurs dans deux ans. Après la peur pour l’eau (« on va perdre la Siagnole » ; « Suez va polluer le lac »), voici venir la peur du grand méchant loup du littoral : « Fréjus et Saint-Raphaël veulent nous absorber », ce qui permettra de faire passer les maires qui ne partagent pas la position communautaire pour les chevaux de Troie de l’ennemi… Or, il est parfaitement possible de défendre le périmètre communautaire actuel, qui est très pertinent comme il est, sans pour autant renoncer à l’idée de relations pacifiques et fructueuses avec nos voisins, comme celles que nous avons par exemple aujourd’hui avec l’intercommunalité cannoise.