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Eau en pays de Fayence suite : que faire ?

Face à une crise que pour le moment chaque jour ravive, jusqu’à l’hypothétique pluie qui nous soulagerait mais ne réglerait pas le problème de fond, il faut distinguer les réactions immédiates et les postures de moyen terme

Dans l’immédiat, c’est la lecture quotidienne des courbes du débit de la Siagnole qui nous tient lieu de guide. A l’heure où ces lignes sont écrites, notre territoire vient d’être placé par arrêté préfectoral dans un régime d’alerte, deuxième niveau sur quatre avant l’alerte renforcée puis la crise. A ce stade, les activités d’arrosage, de remplissage des piscines, ou encore de lavage des voitures, activité dont on peut d’ailleurs s’étonner qu’elle se soit poursuivie tout l’été même sur des sites non équipés pour le recyclage de l’eau, sont règlementées. Les restrictions quantitatives individuelles (de type à 150 à 100 litres par personne et par jour) ne sont pas encore de retour, mais il est très probable qu’elles ne tarderont pas à revenir. On peut même en l’état actuel des choses se montrer franchement pessimiste sur notre capacité à éviter les coupures qui nous avaient menacés tout l’été dernier. C’est parce que nous en sommes là qu’une campagne de sensibilisation vient par exemple d’être lancée auprès des loueurs connus de nos services afin que les futurs locataires de l’été soient pleinement informés des risques de restrictions et de pénurie. 

Il repleuvra un jour et ces mesures d’urgence ne sont pas éternelles, à condition toutefois qu’en parallèle de l’immédiat nous réfléchissions aussi au long terme avec deux exigences, développer l’offre et limiter la demande. 

Développer l’offre, c’est explorer toutes les pistes pour varier ou compléter notre approvisionnement. La première piste, la plus consensuelle, consiste à aller puiser de l’eau dans le lac de Saint Cassien. Cette idée n’est pas si facile à mettre en œuvre, ne serait qu’en raison de la différence d’altimétrie ou encore de la plus grande difficulté qu’il y aura à potabiliser une eau de surface que notre actuelle eau de source, et à mélanger les deux. Le parcours technique et administratif s’annonce long, et ne manquera pas de poser, surtout quand l’eau du lac elle-même se raréfiera, la question du partage des droits d’eau évoqués dans l’article précédent.  

Une seconde idée pourrait consister à retenir pendant certaine période de l’année l’eau de la Siagnole. Là aussi difficile administrativement, cette piste ne semble pas très porteuse sur le plan de l’acceptabilité politique. Les émeutes, parce qu’il n’y a pas d’autres mots, provoquées dans le Tarn ou dans les Deux Sèvres par des projets de bassines nous donnent une idée de l’accueil qui pourrait être réservé à un tel projet. Il reste beaucoup d’autres pistes qui supposeront un vrai changement culturel : encourager le ré-emploi des eaux usées, faire explorer par les collectivités littorales des pistes comme le dessalement de l’eau de mer, s’inspirer de ce qui se fait là où on s’est déjà adapté, comme par exemple en Israël.

Limiter la demande, c’est utiliser des moyens réglementaires pour que le nombre d’abonnés à satisfaire n’augmente que le moins possible, et cela passe par une pause de notre urbanisation. Il y a quelques semaines, une réunion technique sur le document communautaire de planification urbanistique, le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) a débouché sur un consensus entre les maires pour envisager de limiter la croissance démographique du territoire 0,1 % par an pendant cinq ans, c’est à dire la durée estimée du raccordement au lac de Saint Cassien. Cela a été traduit un peu hâtivement, dans une trainée de poudre qui s’est propagée sur toutes les antennes, par l’idée d’un gel de l’urbanisme et d’un refus de tous les permis. Même s’il était utile de donner un signal fort, je regrette cette présentation des choses qui oublie que nous avons en stock sur le territoire des droits acquis à hauteur de près de 1000 logements. On n’arrête pas l’urbanisme comme ça et il faut le dire pour que nos concitoyens ne voient pas les chantiers de demain et d’après-demain comme des passe-droits.

On ne l’arrête pas non plus, même pour un temps, sans que cela ne pose le problème de l’accès au logement, notamment pour les ménages modestes, et cela nous vaut des critiques sur notre gauche. Sans parler évidement de la question de l’avenir de la filière des travaux publics ou du tourisme, ce qui nous vaut des critiques sur notre droite. La vérité est qu’aucun de nous n’aime la période que nous sommes en train de traverser et que les mesures prises ne le sont ni de gaité de cœur ni sans conscience. Pour autant, considérant le caractère sans précédent de notre situation, nous nous sommes rendus à l’évidence qu’il n’y a pour le moment pas d’autres choix. Chacun sait que je ne suis pas de ceux qui ont l’écologie militante, décroissante ou punitive : l’idée n’est pas de stigmatiser les consommations ou les modes de vie mais de nous préparer pour demain à être des consommateurs plus avisés. Le dérèglement climatique chez nous est dorénavant une réalité, et c’est ce message que cette crise nous met sous le nez, que nous le voulions ou pas.